TIERCE BIBLIO  I  ERIC CALIGARIS, ART CONTEMPORAIN, RECHERCHE
à propos de ce qu'ils/elles ont vu, perçu, cru, lu ou entendu




REGARDER VOIR

« Les lignes de Mondrian sur la toile blanche ont l’air de construire l’espace, il n’en est rien. En réalité elles révèlent le mouvement, la dynamique de cet espace. C’est une opération de même nature que réalise Éric Caligaris : contrarier la vue, lui faire perdre ses compétences en altérant la netteté de l’image, c’est proposer une méditation sur le regard et sur le temps.

Le regard, perception liée à la distance, à l’espace, Éric Caligaris le trouble pour le ralentir, pour le relier au temps. Renoncer à la limpidité, renoncer à reconnaître une image immédiatement claire, c’est se disposer, non pas à assister à un spectacle donné mais à entrer dans une quête, dans un voyage au sein de l’image.

Le regard est un mouvement, chez Caligaris, un mouvement de pénétration. Les grecs anciens appelaient alèthèia l’action de révéler quelque chose qui était là, invisible au regard aveuglé. Alèthèia signifie « lever l’oubli ». Paradoxalement, voiler l’image, c’est lever l’oubli, du moins lever l’inattention, faire pénétrer la vue dans la matière même de l’image, dans ses textures qui sont comme des paysages.

Avant que ces paysages ne se révèlent silhouettes, toute une histoire, tout un temps habité s’est déroulé dans le voyage du regard. Et de la même façon, l’ouïe va pénétrer les sons comme des paysages, avant qu’une parole esquissée ne révèle, de ces paysages sonores, l'énigme d’une musique ou d’une voix. C’est ainsi que le travail de Caligaris construit l’attention. »