TENTATIVE DE PAROLE
« L’entreprise du poète n’est pas de fabriquer un texte pour donner à lire un message si profond puisse-t-il être, non, l’entreprise du poète est d’écouter le langage, de pratiquer sur le langage cette écoute à la fois vierge et avisée qui fera vibrer une parole inouïe à l’intérieur des sons et du sens communs. Éric Caligaris compose en poète, moins pour concevoir la musique que pour l’écouter monter des sons de notre pâte confuse, des sons de nos villes, de nos routes, de nos espaces communs ; des sons qui affluent par les moyens de communication, par la radio, par les ondes, par la bande dont on dit qu’elle est passante comme on le dirait d’une inconnue fugitivement aperçue.
Les lumières filent, passent, trop discrètement pour être captées et nous n’aurons jamais que la trace des choses sur quoi exercer notre regard et notre espoir. Mais cette persistance lumineuse que l’objectif photographique d’Éric Caligaris a saisie, cette trace dessine une énigmatique et originelle écriture dont le texte illisible est l’expression de notre rêve.
Écouter ce qui est, ce qui vient. Comme la lumière, comme la face humaine, chez Caligaris, le son est une naissance. À l’intérieur du souffle, une voix, déjà audible mais incompréhensible, un texte, encore au-dessous du langage, tente de prendre la parole, un personnage dérobé se dessine, portrait biffé ou figure trouble, et c’est la vision même du phénomène : quelque chose réclame impérieusement d’être dit. Comment ? »